Bonjour, comment allez vous?
Aujourd'hui je vous propose de me suivre à une magnifique exposition parisienne que j'ai faite fin décembre au Grand Palais sur Madame Elisabeth Louise Vigée Le Brun, la célèbre portraitiste de Marie Antoinette.
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L'artiste exécutant un portrait de la reine Marie Antoinette (1790) |
Elisabeth Louise Vigée Le Brun est l'un de mes peintres préférés (avec Gustave Klimt), je ne pouvais donc louper cette très belle rétrospective qui n'avait jamais été encore faite en France (alors que les Etats-Unis lui ont déjà rendu cet hommage en 1982).
Elle était connue bien évidemment pour son talent mais aussi pour sa grande beauté. Sa carrière fut très longue et sa vie très mouvementée mais elle sut voguer à travers 3 époques - l' Ancien Régime, la Révolution française et l'Empire - ce qui était assez rare à l'époque en comparaison à l'espérance de vie de ses contemporains qui avaient tendance à perdre facilement leur tête...
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Le concert espagnol (1777) |
Née sous Louis XV, Elisabeth fait partie d'une famille d'artistes, notamment son père Louis Vigée qui est portraitiste. C'est lui qui va l'initier à son art (à l'époque les classes d'académie sont interdites aux filles). Sa mère contribuera également à sa formation en l'accompagnant régulièrement aux expositions de peintures parisiennes, ainsi qu'aux collections privées. Elle va ainsi gagner une grande culture picturale.
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Son père Louis Vigée |
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Sa mère Jeanne Maissin |
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Son frère Louis Jean Baptiste (1773) |
Elle va s’entraîner chez elle - sans structure professionnelle - en peignant sa famille et ses amies ou encore en se peignant elle même. Finalement l'idée du "selfie" n'est pas du tout novateur, Mme Le Brun y a pensé bien avant !
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Portrait dit "aux rubans cerise" (1782) |
C'est de cette manière qu'elle va se faire connaitre, d'autant plus qu'elle a l'art de savoir "mettre à l'aise" ses modèles en conversant tranquillement avec eux pendant qu'elle les peint. Par ailleurs, en épousant Jean Baptiste Pierre Le Brun, marchand de tableaux, elle va accéder au "réseau" de son mari et à une clientèle de qualité.
Par la suite, elle va présenter sa candidature à l'Académie de St Luc (une confrérie charitable associée à la Communauté des peintres et sculpteurs de Paris) où elle sera reçue.
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La Paix ramenant l'Abondance (1780) |
Son immense talent va atteindre les hauteurs de Versailles et Marie Antoinette va faire d'Elisabeth sa portraitiste officielle. Jusqu'à maintenant la souveraine avait toujours été très déçue par les autres artistes. La Reine trouve Mme Le Brun sait idéaliser ses traits tout en respectant la ressemblance.
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Marie Antoinette en grand habit de cour (1778) |
Ce portrait de Marie Antoinette en tenue officielle a été envoyé à la mère de la Reine, l'Impératrice d'Autriche Marie Thérèse qui s'en déclare très satisfaite : "Votre grand portrait fait mes délices".
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Détail coup de coeur :) |
D'après les souvenirs de Mme Le Brun, il y avait une vraie complicité entre elle deux. Les séances de pause avec Marie Antoinette était toujours un véritable plaisir car elles s’achevaient la plupart du temps en chantant des airs d'opéra.
Son succès a été complet car elle a peint le roi Louis XVI mais également produit des portraits de la famille royale. Elle se permit même une certaine liberté en peignant la Reine en tenue dit d'intérieur ce qui à l'époque "ne se faisait pas" pour une personne d'aussi haut rang (cela étant considéré comme irrespectueux). L'artiste n'en perdant pas pour autant sa clientèle.
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Marie Antoinette en chemise ou en robe de gaulle |
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Détail coup de coeur :) |
Grâce à l'intervention de la Souveraine, Mme Le Brun est reçue à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Première femme à recevoir cet honneur, le directeur
misogyne de l'Académie lui même s'était opposé à cette candidature. En effet, selon les règle en vigueur, la profession commerçante de son mari n'aurait pas dû lui permettre de prendre place parmi cette assemblée, une femme n'ayant pas de statut social autre que celui de son époux. En obtenant cet honneur Mme Le Brun est enfin consacrée. Derrière ces propos il s'agit surtout de jalousie; Comment une femme peut elle avoir autant de talent et surpasser les hommes peintres? Mme Le Brun comme ses autres collègues peintres féminines - notamment Mme Adélaide Labille Guiard - ont fait l'objet de rumeurs : "Ce ne sont pas elles qui peignent ces œuvres qui sont obligatoirement l'oeuvre d'un homme".
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L'artiste Adélaide Labille Guiard et ses élèves (1785) |
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Détail coup de coeur :) |
A travers le tableau ci-dessus, Adélaïde cherche à faire taire ses détracteurs et à améliorer la considération de ses contemporains sur les femmes artistes. Cet oeuvre la représente elle même en grandeur nature dans son propre atelier - preuve qu'elle est une artiste - en compagnie de ses élèves. Non seulement elle est artiste mais également professeur, un maître qui a des disciples. Elle deviendra comme Mme Le Brun une Académicienne. Adélaïde et Mme Le Brun ont été très tôt conscientes de l'importance de l'image et de son utilisation à des fins d'auto-promotion. Idéal pour se faire connaître et asseoir sa renommée, Mme Le Brun multipliera ses auto-portraits tout au long de sa carrière (plus d'une dizaine connu aujourd'hui).
A La Révolution Adélaïde restera à Paris et mettra son art au service des élites de la Révolution.
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Marie Antoinette et ses enfants (1787) |
Mme Lebrun, quant à elle, a mis son pinceau au service de Marie Antoinette. L'exemple de ce portrait est frappant. Il peut en effet s'assimiler à un acte de propagande et à une volonté de redorer son image en utilisant une campagne d'informations. A l'époque, comme vous le savez, la reine était très impopulaire et subissait l'affaire du "collier" qui la perdra d'ailleurs définitivement aux yeux des français (les "affaires" politiques ne datent pas que d'aujourd'hui !!).
Mais en représentant Marie Antoinette non pas en tant que Reine mais en tant que Mère, celle-ci gagne en émotion. Marie Antoinette a été critiquée dans plusieurs domaines mais jamais son caractère maternel n'a été dénigré.
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Marie Thérèse Charlotte de France dite Madame Royale et son frère le Dauphin Louis Joseph Xavier François (1783) |
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Détail coup de coeur :) |
Contrairement sa mère Marie Thérèse, la Reine de France ne voulait pas 16 enfants. Elle choisi d'en avoir peu mais de les élever bien (quelle pensée empreinte de modernité je trouve). Ici c'est aussi la dignité d'une mère qui est mise en avant avec l'image de ce berceau vide que désigne le Dauphin de France et qui fait référence à la perte de sa petite fille Sophie.
De même dans ce tableau la Reine ne porte qu'une modeste paire de boucles d’oreilles et son cou est vierge de tout collier. C'est un détail important qui montre que la Reine veut se racheter aux yeux de l'opinion et montrer qu'elle n'attache que peu d'importance aux futilités. Il ne doit rester qu'une chose: son image de mère attentionnée. Sa fille aînée Mme Royale enlace d'ailleurs son bras, preuve qu'elle aime sa mère. Le génie de Mme Le Brun est d'avoir su faire ressortir la tendresse et l'amour des yeux de Marie Antoinette.
Il semble que les séances accordées par la Reine pour ce tableau familial seront les dernières avant les tristes événements de 1789 et le départ en émigration de Mme Le Brun.
Si Mme Le Brun fut surtout connu en tant que portraitiste de la famille royale, son art fut aussi l'occasion pour elle de mettre en avant le lien maternel. Sa peinture a ainsi suivi l'évolution de la société française et a fait sienne les idées du moment sur l'éducation de Jean Jacques Rousseau développé dans son Emile.
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Portrait de l'artiste avec sa fille dit "La Tendresse maternelle" (1786) |
Elle a tellement su transposer cet amour maternel que lors de la présentation de ce portrait au salon de peinture de 1787, le public verra dans ce tableau une valeur exemplaire "Ainsi l'art peut servir les mœurs plus que des leçons de moralistes".
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(deux de ses amies) La Marquise de Pezay et la Marquise de Rougé et leurs enfants (1787° |
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détail coup de coeur :) |
Elle va se consacrer elle même à l'éducation de sa fille Julie, qu'elle peignera inlassablement au point de la voir grandir à travers ses toiles.
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Jeanne Julie Louise Le Brun se regardant dans un miroir (1787) |
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Julie Le Brun en baigneuse (1792) |
A travers son oeuvre Mme Le Brun délivre un message ultra moderne pour l'époque: il est tout à fait possible de concilier vie d'artiste et rôle de mère.
De même, elle va laisser trace de l'élégance à la française.
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La Baronne Henri Charles Emmanuel de Crussol Florensac (1985) |
Ici Mme Le Brun fait preuve de génie en donnant plus de dynamique à sa toile en peignant son modèle de dos avec une torsion du coup et en semblant interrompre son modèle qui s’apprête à jouer. Par ailleurs, il s'agit d'une technique de Mme Le Brun. Lorsque son modèle n'est "pas très joli" ou encore a un regard "peu flatteur" elle le place en situation pour diminuer les défauts et donner plus de caractère au personnage. Pas mal comme idée en attendant photoshop !!
Brillante certes mais beaucoup trop proche de la famille royale au goût des révolutionnaires. Cette dépendance professionnelle et sociale à la Reine l'oblige à quitter la France à l'aube de la Révolution. Elle qui avait toujours désiré visiter Rome ou Vienne en tant que hauts lieux de nobles peintures ce fut là l'occasion. Elle partie en exil avec sa fille et commença une nouvelle vie en Italie.
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Lady Hamilton en Sybille de Cumes (1792). Cette oeuvre constitua une carte de visite à Mme Le Brun lors de son périple européen. |
Son exil dura près de 12 ans.
Mais ce ne fut pas des années noires car son talent et sa renommée lui permit d'avoir accès à une clientèle européenne, de pouvoir demander un certain tarif pour ses œuvres et ainsi lui permettre de maintenir son niveau de vie. Par exemple, à Naples, la Reine Marie Caroline, sœur de Marie Antoinette lui commande un portrait de ses enfants. Elle rencontra partout un grand succès et fut officiellement reconnue par les Académies de Rome, Bologne, Parme, Florence et Saint-Pétersbourg.
Une nouvelle mode se fait jour, les dames veulent être représentée telles des héroïnes de la mythologie ou en tenue orientale.
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La Comtesse Skavonskaia (1790) |
Mme Le Brun poursuivra son périple jusqu'en Russie où elle sera présentée officiellement à Catherine II. Elle y travaillera pour la famille impériale mais aussi pour l'aristocratie russe.
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L'épouse du futur empereur Alexandre Ier (1795) |
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Les petites filles de Catherine II |
Elisabeth Louise Vigée Le Brun reviendra à Paris en 1802 grâce à son mari qui a réussi à faire circuler une pétition signée par plus de 200 personnalités pour la faire retirer de la liste des émigrés.
J'ai tellement était passionnée par cette exposition que je suis restée plus de 3h avec mon audio guide au Grand Palais ! Bien entendu je n'ai pas résisté à m'arrêter à la boutique de l'exposition où j'ai acheté l'album de l'exposition pour l’offrir à maman qui a été la première à me parler de la belle portraitiste de Marie Antoinette et pour moi le coffret des Mémoires complets de Mme Vigée Le Brun. Il me tarde de commencer à les lire car sa vie a dû être passionnante.
Kiss